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nous cessâmes de nous entendre. Il y eut entre nous un débat d’affaires. On s’écrivit de part et d’autre avec aigreur. On en vint jusqu’à vouloir plaider. Alfred de Musset monte en diligence et part pour Clermont. Il entre chez sa cousine sans se faire annoncer ; tous deux se mettent à pleurer ; ils s’embrassent, et le procès en reste là. Depuis lors, notre bon accord ne fut jamais troublé. Alfred avait une grande confiance dans le goût et le jugement de sa cousine Clélie. Elle vint à Paris, en 1852, pour assister à la séance de sa réception à l’Académie, et la dernière fois qu’il la vit, il lui disait : « Quand on fera de mes ouvrages une édition d’un grand format, sur du papier solide, je t’en offrirai un exemplaire, que je ferai relier en vélin blanc avec un filet d’or, afin qu’il représente exactement un gage de l’amitié qui nous a unis. »

Je n’ai besoin que de me rappeler mes propres impressions pour faire connaître celles de mon frère au sujet des grands événements de 1814 et 1815. Plus d’une fois il nous arriva de pleurer ensemble sur les malheurs de notre pays, sans en comprendre la gravité. En ma qualité d’aîné, je me chargeais d’avoir des opinions politiques ; il les adoptait de confiance et j’aidais ainsi sa précocité naturelle. Nous étions nourris dans l’admiration de Napoléon, dont notre mère parlait avec une éloquence qui nous remplissait d’enthousiasme. Cette grande figure que