Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« De qui parlez-vous ? dit-il. Où est madame Moulin ?

— La voici, » lui répondit-on, en lui montrant une jeune femme qu’il ne connaissait point et qui se trouvait là fort à propos.

Il regarda la personne désignée avec attention et retourna ensuite à ses jeux. Quelques jours après, notre nouveau cousin, monsieur Moulin, vint à la maison.

« J’ai vu votre femme, lui dit Alfred. Elle n’est pas mal ; mais j’aime mieux la mienne. »

Le secret fut ainsi gardé pendant plusieurs années. Enfin, lorsque les travaux sérieux de l’éducation et les soucis du collège eurent changé le cours de ses idées, Alfred apprit que sa cousine n’avait pas pu attendre, pour se marier, qu’il fût en âge de prendre femme. Après le premier saisissement causé par cette révélation, il demanda en tremblant s’il était possible que Clélie se fût moquée de lui. Quand on lui eut dit qu’elle lui gardait la tendresse d’une sœur aînée, son anxiété se calma. Il réfléchit un moment et répondit : « Eh bien, je m’en contenterai, » — comme s’il eût pu comprendre la différence entre une épouse et une sœur.

Madame Moulin habitait Clermont en Beauvoisis, avec son mari et ses enfants ; nous étions étroitement unis, non seulement par les liens du sang, mais par une communauté d’intérêts. Tout à coup, en 1836,