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mieux de ne pas toucher à l’aile du papillon. »

Il arriva jusqu’à la porte en rêvant ainsi, partagé entre le désir de revoir les deux jeunes filles et la crainte de faire tort à ses chères impressions de voyage. Ce dernier scrupule l’emporta ; au moment de tirer la sonnette, il rebroussa chemin et rentra chez lui. Jamais il n’a revu ses amis du Havre.

Un soir d’hiver, il eut une vraie fantaisie de poète, celle de faire une excursion nocturne et rétrospective en Italie et au siècle de la Renaissance. Il pria Horace de Viel-Castel, qui occupait un logement au Louvre, de lui ouvrir pendant la nuit le musée des peintures. On l’introduisit à dix heures du soir dans la galerie des écoles italiennes, où il s’installa devant les toiles qu’il préférait, avec une lampe portative à l’usage des promenades aux flambeaux. Il y resta longtemps seul, plongé dans ses réflexions, et il en revint fort content, disant qu’il avait vécu, cette nuit-là, dans la compagnie des anciens maîtres, qu’il lui semblait les avoir vus à l’ouvrage, et qu’il s’en trouvait deux dont il aurait avec bonheur préparé les couleurs et taillé les crayons : Raphaël et Léonard de Vinci.

Au mois de mars 1857, M. Émile Augier se présentait à l’Académie. Alfred de Musset, qui l’aimait beaucoup, prit un vif intérêt au succès de sa candidature. La veille du scrutin, il était sérieusement malade. M. Augier, craignant qu’il ne pût pas se rendre