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essuyées par Louison et par le proverbe On ne saurait penser à tout. En 1850, malgré sa bonne envie de rester fidèle à la Revue des Deux-Mondes, Alfred avait dû céder aux sollicitations de M. Véron, qui lui ouvrait les colonnes du Constitutionnel à des conditions très avantageuses. Carmosine parut dans ce journal. Cette comédie est assurément un des plus beaux ouvrages d’Alfred de Musset, le plus profond et le plus touchant à mon gré. En lisant les termes dont Carmosine se sert pour faire au bouffon Minuccio la confidence de son amour sans espoir, je crois avoir sous les yeux une scène tracée par la main de Gœthe ou celle de Shakspeare. Mais laissons à d’autres le soin d’apprécier cette œuvre poétique.

M. Véron avait une entière confiance dans le talent d’Alfred de Musset. Sans savoir ce que vaudrait le manuscrit de Carmosine, il s’était engagé d’avance à en donner mille francs par acte, laissant à l’auteur la liberté d’en faire trois ou cinq, comme il l’entendrait. Alfred, incapable d’augmenter d’un acte une pièce, qui dans son esprit n’en comportait que trois, croyait son travail fort bien rétribué aux conditions convenues. M. Véron fut si charmé par la lecture de cet ouvrage qu’il voulait le payer comme s’il eût été en cinq actes. L’auteur se défendit d’accepter une si forte somme ; il fallut partager le différend par la moitié. Je cite, en passant, ce détail parce qu’on y