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Chéri jouait avec tant de succès la pièce de Clarisse Harlowe. Alfred ne craignit pas de dire, en présence de Rachel, tout le bien qu’il pensait de la jeune débutante du Gymnase. Probablement Rachel crut voir une intention blessante pour elle dans ces éloges prodigués à une autre ; sans s’expliquer à ce sujet, elle prit avec son poète un ton d’aigreur dédaigneuse, auquel il ne répondit qu’en lui rendant la précieuse bague qu’elle semblait avoir oubliée. Elle se la laissa remettre au doigt sans opposition.

Quatre ans après, en mars ou avril 1851, Rachel donnait un dîner de cérémonie dans l’hôtel qu’elle avait fait bâtir rue Trudon. Alfred de Musset y fut invité. La maîtresse du logis lui prit le bras pour aller à la salle à manger. Dans ce trajet il fallait passer par un escalier un peu étroit. Alfred marcha sur la robe de Rachel, qui lui dit, avec ses grands airs : « Quand on donne le bras à une femme, on prend garde où l’on met le pied.

— Quand on est devenue princesse, répond le poète, et qu’on se fait bâtir un hôtel, on commande à son architecte un escalier plus large. »

La soirée commençait mal. Cependant, après le dîner, il y eut un raccommodement. Alfred rappela, en soupirant, le beau temps où il avait soupé chez Roxane avec des couverts d’étain. Rachel s’amusa de ces souvenirs. « Vous croyez peut-être, dit-elle, en voyant mon luxe, mon argenterie splendide, que je ne