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Or, l’ennui et l’indifférence sont les meilleurs remèdes à cette maladie qu’on nomme poésie. Par conséquent, je me porte bien. De quoi donc me grondez-vous ? »

Cet été de 1841 lui parut, en effet, d’une longueur interminable. Le directeur de la Revue avait d’aussi bonnes raisons que celles de la marraine pour crier contre la paresse, et parfois je me joignais à lui. Alfred aimait sincèrement M. Buloz ; il regrettait de ne pouvoir pas le satisfaire. Enfin, après un silence de six mois, pressé de s’expliquer par tant de sollicitations, il écrivit les vers Sur la paresse qu’il adressa, sous la forme d’une épître, à celui que cette question intéressait le plus. Ordinairement, une satire perd, en peu de temps, son à-propos. Celle-ci semble composée d’hier ; ce qui prouve que l’auteur avait bien compris les travers de son siècle, et que le siècle ne s’en est point corrigé. On peut relire les passages sur l’hypocrisie, sur l’amour effréné de l’argent, sur la mangeaille et l’égoïsme hébété, sur la médiocrité qui ne comprend rien qu’elle. Tout cela est encore de saison au bout de trente ans. Cette épître fut publiée le 1er janvier 1842. « Voilà, me dit l’auteur, ce que j’aurai fait de plus habile dans toute ma carrière littéraire. »

Et comme je lui demandais en quoi consistait l’habileté : « Ne vois-tu pas, me répondit-il, que je donne les raisons de mon silence, et que ces raisons,