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tendant les mains au provocateur, c’était mal choisir le moment. Alfred de Musset comprit la chose ainsi, et, comme la Marseillaise de la paix ne répondait pas, selon lui, à la chanson de Becker, l’envie le prit de faire la réponse. À mesure que nous en causions, tout en déjeunant, son visage s’animait, le feu lui montait aux oreilles ; enfin, il donna un coup de poing sur la table, rentra dans sa chambre et s’y enferma. Deux heures après il en sortit pour nous réciter le Rhin allemand. Quoique M. de Lamartine l’ait appelé chanson de cabaret, le retentissement fut immense. Le duc d’Orléans envoya, sous main, ses compliments à l’auteur, car la situation politique, depuis la reculade de l’année précédente, ne permettait pas à l’héritier du trône de se prononcer ouvertement. Je n’exagère pas en disant que cinquante compositeurs, au moins, mirent en musique cette chanson. Un de ces airs, adopté par l’armée, se chantait dans les casernes. Des officiers prussiens écrivirent à l’auteur quelques lettres de provocation, les unes en allemand, les autres en français, et lui donnèrent des rendez-vous à Bade, en le priant de s’y trouver tel jour, à telle heure, pour se battre avec eux. Chaque fois qu’une de ces lettres lui arriva, il la mit soigneusement dans un tiroir : « Voilà, disait-il, de braves jeunes gens dont j’estime le patriotisme. Je vois avec plaisir que mes vers ont touché au bon endroit ; Becker a son clou rivé. Mais pourquoi ne