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et portant sur son dos une fontaine de marchand de coco ambulant. Ce Lilliputien se promena sur l’écritoire et sur les livres en tournant le robinet de sa fontaine d’où sortait une fine poussière ; si bien qu’en peu d’instants l’ordre désiré régna sur la table. « Voilà qui est parfait, dit le maître en tirant ses couvertures sur ses yeux. À présent, je puis dormir, et je crois bien que je suis guéri. »

Il l’était, en effet, car, à son réveil, le cerveau reposé avait repris le calme et la lucidité de l’état normal. Lorsqu’il raconta lui-même ces détails au médecin, le bon M. Chomel lui dit en souriant : « Vous avez eu là une vraie fluxion de poitrine de poète. Je vois bien que vous ne serez jamais comme tout le monde, ni malade ni en bonne santé. Tâchez pourtant de profiter des avis que vous vous donnez à vous-même. Ce n’est pas assez de l’apothéose de la carafe, il faut encore vous souvenir que la nature a fait le jour pour veiller et la nuit pour dormir.

— Cet aphorisme, répondit Alfred, est moins profond que ceux d’Hippocrate ; mais je vous promets de le méditer. »

Le mot de convalescence ne suffit pas pour exprimer le curieux état de béatitude où se trouva le poète en relevant de cette maladie. C’était une véritable renaissance. Il avait dix-sept ans, des joies d’enfant, des idées de page, comme le Chérubin du Mariage de Figaro. Toutes les difficultés, tous les