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l’armée de fioles s’éleva une bouteille de vin de Champagne garnie de son cachet de métal ; elle était tristement portée sur une civière par deux des petits génies qui prirent pour cette cérémonie une attitude recueillie et mélancolique. Le convoi se mit en marche par un sentier montant qui serpentait dans le lointain. Par un autre sentier descendait une carafe coiffée de son bouchon de cristal et couronnée de roses ; elle glissa doucement sur la pente du sentier, tandis que les petits génies jetaient des fleurs sur son chemin, et les fioles, formant une double haie pour la recevoir, lui cédèrent la place d’honneur.

Après cette entrée solennelle, la carafe ôtant sa couronne, s’installa modestement sur la cheminée. Les génies effacèrent les traces de la cérémonie, enlevèrent les fioles désormais inutiles et rétablirent les choses dans leur premier état, pour livrer au poète en bonne santé sa table de travail. Chaque volume, chaque papier revint à la place qu’il occupait la veille de la maladie ; les plumes se rangèrent symétriquement auprès de l’écritoire. Leur service étant fini, les génies s’éloignèrent ; ils venaient de sortir, quand le poète, passant l’inspection de sa table, s’écria : « Cela n’est pas exact ; il y avait de la poussière en plusieurs endroits, et notamment sur l’écritoire en laque de la Chine. »

À peine eut-il exprimé ce juste sujet de plainte qu’il aperçut un petit homme, haut de trois pouces