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le rôle de Roxane. Cette fois, tous les journaux se trouvèrent d’accord pour lui reprocher, comme une faute grave, d’avoir abordé un rôle qui, disaient-ils, ne lui convenait pas. Ses amis étaient plus effrayés qu’elle, car elle n’en ressentit que de la colère. Alfred crut devoir prendre sa défense, précisément parce qu’il n’était point critique de profession. Il n’eut pas de peine à prouver que Rachel avait déployé dans Roxane les mêmes qualités et le même talent que dans tous ses premiers rôles ; qu’elle y avait trouvé, comme toujours, des effets nouveaux qui appartenaient à sa manière particulière de sentir ; puis il affirma que, si elle eût commencé ses débuts par la pièce de Bajazet, la critique n’aurait pas manqué de l’accabler d’éloges, et de déverser sur elle tout le répertoire habituel des épithètes et des phrases louangeuses. Mais ce rôle de Roxane arrivait le sixième. C’était là un grand tort. On avait épuisé les épithètes ; il ne restait plus de phrases louangeuses dans le sac ; et puis, après avoir admiré, cela fait bien de se montrer difficile et mécontent. « Et voilà, disait l’auteur de l’article, comment on juge, du moins, dans les journaux. »

La mauvaise humeur des feuilletons du lundi se tourna de la grande tragédienne sur son défenseur ; mais Alfred s’en moqua : le public était de son avis[1].

  1. Le 6 décembre 1838, Jules Janin publia dans le Journal des Débats un article contre les défenseurs de mademoiselle Rachel, où