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garade du parterre de l’Odéon, le théâtre, dans sa pensée, lui était pour toujours interdit. D’ailleurs, il n’était pas de ces gens qui, voyant un artiste en faveur, ne craignent pas de forcer leur talent pour attacher leur fortune à la sienne. L’idée d’écrire un rôle pour Rachel ne pouvait lui entrer dans l’esprit que si elle l’en priait elle-même. C’est ce qui arriva deux fois, comme on le verra plus loin, et l’on ne saurait trop déplorer que deux fois ce projet soit tombé dans l’eau. Aux autres signes du temps, on peut ajouter celui-ci : Qu’en matière d’art et de poésie, toute belle et bonne chose avortera infailliblement toutes les fois que, pour arriver à bien, il lui faudra, je ne dis pas l’appui ou le concours de plusieurs personnes, mais seulement l’accord soutenu de deux volontés ; tant les esprits sont étrangers à tout ce qui n’est pas matière, argent, fortune ! La grande tragédienne elle-même n’échappa point à la maladie du siècle, et la fin de sa carrière d’artiste s’en ressentit. Mais, au moment où nous en sommes de cette histoire, on ne pouvait pas deviner tout cela[1].

Rachel avait déjà ramené au théâtre cinq ouvrages du vieux répertoire, quand parut l’article de la Revue. C’étaient Cinna, Horace, Andromaque, Mithridate et Tancrède. Dans les derniers jours de novembre, elle en ajouta un sixième à cette liste, et se montra dans

  1. Cette page a été écrite en 1862.