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de ce monde, parce qu’il existait une grande tragédienne.

Alfred de Musset avait été des premiers à reconnaître le talent de mademoiselle Rachel. Pendant deux mois il ne manqua pas une des représentations où elle jouait, et je l’entendis, dès le premier jour, s’écrier avec joie : « Nous avons deux Malibran au lieu d’une, et Pauline Garcia a une sœur ! » Comme il s’y attendait, les classiques poussèrent des cris de triomphe. Déjà ils décrétaient que la résurrection d’un genre d’ouvrages abandonné depuis longtemps était la condamnation à mort des autres genres implantés récemment au théâtre. De leur côté, les romantiques, pour dissimuler leurs alarmes, disaient que le public s’était engoué sottement, et que le fantôme de la tragédie ne tarderait pas à rentrer dans son tombeau. Alfred de Musset, voyant autant d’injustice et de déraison d’un côté que de l’autre, entreprit de faire cesser le malentendu. Il publia une dissertation où il prouva que la tragédie et le drame romantique pouvaient parfaitement exister tous deux, et qu’il ne dépendait de personne de les empêcher de vivre. Après avoir défini le caractère du génie de la jeune débutante, et établi que ce mot de génie n’était ni trop flatteur ni trop ambitieux pour elle, l’auteur abordait la question littéraire. Il commençait par enlever aux romantiques l’espoir de voir bientôt s’évanouir le nouvel engouement du public pour la tra-