ministère de l’intérieur fut livrée à l’auteur du point sur un i.
Nous avions alors pour voisin, dans la maison où nous demeurions, un médecin, homme fort instruit et professeur de lithotritie, avec lequel Alfred aimait à causer de physiologie et de médecine[1]. Un jour, le voisin ramena de la campagne une petite servante de quatorze ans extrêmement jolie, habillée à la mode de son village, et coiffée d’un bavolet. Avec la permission du docteur, Alfred interrogea la jeune fille et lui fit raconter son enfance. Elle ne lui donna pas de longs renseignements ; mais Alfred portait dans sa mémoire un bon bagage de conversations avec des enfants et des jeunes filles, car il avait plus que personne le culte de l’innocence et de l’ingénuité. Le tableau de la ferme des Clignets, auquel il n’avait guère
- ↑ Il s’appelait Léon Labat. Sa destinée est assez bizarre. Dans un voyage qu’il entreprit en Orient, accompagné de sa femme, il guérit le shah de Perse d’une maladie de vessie chronique et réputée incurable. Le shah ne voulut plus le laisser partir, le nomma son premier médecin et l’accabla d’honneurs, de décorations et de présents. M. Labat prit son parti de vivre en Perse ; mais il n’oublia point son pays natal. Son ascendant sur l’esprit du shah devint fort utile à tous les Français établis dans les États de ce prince. Une occasion se présenta où des négociants anglais et français se disputèrent certains privilèges. M. Labat usa de son crédit pour faire pencher la balance en faveur de ses compatriotes. Peu après, ses domestiques lui donnèrent du poison. Il se soigna lui-même, et fort habilement ; mais sa santé était détruite. Il revint en France mettre ordre à ses affaires avec beaucoup de sang-froid, et s’en alla mourir à Nice, persuadé que sa mort était le résultat d’une vengeance britannique.P. M.