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les yeux : « Ah ! s’écria-t-il, voilà du moins quelque chose de vrai ! Je ne crains pas de me tromper en racontant ce que j’éprouve. »

Il écrivit cette page sur les plaisirs du pauvre, qui termine le premier chapitre de sa nouvelle. Une fois réconcilié avec son sujet, il travailla tout le reste du jour et prit bravement son parti de présenter, sous la forme d’un récit véridique, des scènes et des événements romanesques qui ne s’étaient passés que dans sa tête. Il n’alla pourtant pas jusqu’au bout de son petit roman, et voici l’explication de ce nouveau retard :

Composer une nouvelle et imaginer une fable, en tracer le plan, c’était l’affaire d’une heure de causerie au coin du feu ; mais Alfred sentait avec impatience combien le travail matériel marche lentement. Souvent il lui arrivait de rêver à un sujet de poésie tout en écrivant de la prose. Il assurait même que ce double exercice, loin de nuire à l’un ou à l’autre travail, leur était également profitable à tous deux. Sachant bien d’avance ce qu’il voulait dire en prose, il regagnait le temps employé à tracer des mots sur le papier, en roulant dans sa tête une autre idée. C’était, disait-il, comme de regarder une étoile dans le ciel pour mieux voir scintiller l’étoile voisine. Une circonstance fortuite se présenta, d’ailleurs, qui ramena le romancier à la poésie. Un soir qu’il avait causé longuement avec une femme qui était la fran-