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velle. Dès le lendemain de la publication, sa famille et ses amis le rassurèrent complètement sur le résultat de cette expérience, et la Revue lui demanda instamment d’autres récits. Il commença aussitôt l’historiette des Deux Maîtresses, que sa modestie lui fit encore envisager comme une épreuve. Après avoir tracé le portrait de Valentin, où il s’était peint lui-même, il s’arrêta. Les faits qu’il s’apprêtait à raconter ne lui étaient point arrivés, bien qu’il se fût trouvé, il y avait longtemps, dans une situation d’esprit à peu près semblable à celle de son héros. Comment imprimer le cachet de la vérité dans un récit dont le sujet devait sembler paradoxal à bien des gens ? Qu’il fût possible d’aimer deux personnes à la fois, cela n’était point douteux pour le prince Phosphorus, comme disait la marraine ; mais de le prouver par un exemple n’était pas aussi facile.

Les six premières pages des Deux Maîtresses traînaient sur la table de travail ; l’auteur indécis avait planté là Valentin pour aller chez son ami Tattet. Il y tomba dans une partie de bouillotte, perdit son argent, et revint plus soucieux à la maison se renfermer dans sa chambre. Le lendemain matin, il se boudait lui-même quand sa mère lui apporta un gros bouquet de roses dans un verre d’eau qu’elle posa devant lui, en disant avec un sourire : « Il y en a pour quatre sous. » Tandis que sa mère se retirait doucement, Alfred sentit des larmes lui venir dans