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comme s’il eût été agréablement surpris, vous arrivez de Joinville ; je suis bien aise de vous voir. »

Alfred avait trop d’usage du monde pour témoigner le moindre étonnement. Il fit un salut respectueux, et, tandis que le roi passait outre pour aborder une autre personne, il chercha dans sa tête ce que pouvaient signifier les paroles qu’il venait d’entendre et le sourire qui les accompagnait. Il se souvint alors que nous avions à Joinville un cousin, homme d’un esprit charmant et très cultivé, parfaitement digne de cet accueil bienveillant, et qui était inspecteur des forêts du domaine privé. Le roi avait oublié le temps où il envoyait ses fils au collège et les noms des enfants qu’il avait reçus à Neuilly ; mais il connaissait à fond l’état et le personnel de son domaine. Ce nom de Musset lui représentait un inspecteur, gardien vigilant de ses bois et dont il faisait grand cas, avec raison. Pendant les onze dernières années de son règne, une fois ou deux par hiver, il revit, toujours avec le même plaisir, le visage du prétendu inspecteur de ses forêts ; il continua de lui adresser des sourires capables de faire envie à plus d’un courtisan, et qui passèrent peut-être pour des encouragements à la poésie et aux belles-lettres ; mais il est certain que jamais Louis-Philippe n’a su qu’il avait existé sous son règne un grand poète du même nom que son inspecteur des forêts.