Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA NUIT DE JUIN

LE POÈTE.

Muse, quand le blé pousse il faut être joyeux.
Regarde ces coteaux et leur blonde parure.
Quelle douce clarté dans l’immense nature !
Tout ce qui vit ce soir doit se sentir heureux.


— Enfin, dis-je en lisant ces quatre vers, il y aura donc une de ces nuits où nous n’aurons pas la mort dans l’âme !

Cette exclamation le fit rire, et il me promit que, dans la Nuit de juin, il ne serait question, en effet, que de plaisir et d’amour. Le moment du dîner approchait. Comme je savais que la muse aimait à descendre à l’heure du berger, je ne doutai point qu’au jour du lendemain la pièce de vers ne fût à moitié faite. Par malheur, Tattet entra ; il venait chercher son ami pour l’emmener dîner chez le traiteur. Je le suppliai de ne pas interrompre un travail de cette importance. Je lui représentai le tort qu’il pouvait faire à l’auteur, au public, à lui-même. Tattet convint que j’avais raison ; mais le dîner était commandé. Il avait annoncé mon frère aux convives, parmi lesquels étaient MM. Alfred et Hippolyte Mosselmann, De Jean, Arvers[1]. Tattet me promit qu’on se séparerait de bonne

  1. Félix Arvers, garçon de beaucoup d’esprit, original, d’un tempérament mélancolique, auteur de plusieurs vaudevilles très gais qui ont eu du succès. Il est mort jeune.
    P. M.