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voisin. — Celui-ci, un peu étonné, répondit à ce sourire par un petit salut, et retourna ensuite à ses épreuves. Peu de jours après, la grisette reparut à la fenêtre, se chauffant aux rayons du soleil d’avril. Alfred la regarda ; elle lui sourit comme la première fois, et il répondit encore par un léger salut. Ce manège se répéta ; les visites de la jeune fille dans notre maison devinrent quotidiennes, et par conséquent les sourires et les inclinations de tête de plus en plus fréquents. Des regards on passa aux signes ; on s’envoya des baisers ; on se rencontra, comme par hasard, dans la rue, et finalement on tomba d’accord, sans avoir pris le temps de réfléchir ; car il existait encore alors de ces grisettes qui suivaient avec franchise et abandon tous les mouvements de leur cœur.

Alfred, craignant un peu de s’embarquer dans une liaison, se fit inviter par son ami Tattet à venir passer quelques jours à la campagne. M. Tattet le père avait, dans la vallée de Montmorency, une fort belle propriété qu’on appelait Bury. Son fils, non content de cela, louait, en cachette, une petite maison située une lieue plus loin. On menait joyeuse vie dans les deux endroits, bien que le monde n’y fût pas le même. Alfred Tattet avait des chevaux ; il aimait la bonne chère ; dans les plaisirs de toute sorte, son esprit inventif et dépensier recherchait les excentricités. Il trouva le compagnon qu’il lui fallait pour courir la forêt au milieu de la nuit et souper sur l’herbe à la