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rigueur apparente des procédés, il reconnaissait une pitié sincère ; son chagrin était partagé. Cette idée le soulageait. Vingt fois il répéta : « Je n’aurais qu’un mot à dire pour lui faire tout quitter ; mais je ne prononcerai jamais ce mot qui la perdrait. »

Le sort devait à Alfred de Musset une compensation à tant de sacrifices. S’il existe un être au monde à qui l’amitié d’une femme puisse être utile, c’est assurément un poète ou un amant malheureux. Il réunissait ces deux conditions lorsqu’il devint l’ami et le filleul d’une personne de beaucoup d’esprit qu’il connaissait depuis quelque temps. Cette jeune maîtresse de maison exerçait un ascendant marqué sur tout son entourage. Elle avait, d’ailleurs, un des salons les plus agréables de Paris. On y faisait de la musique une fois par semaine, et, ce jour-là, il y venait beaucoup de monde pour entendre le prince Belgiojoso, Géraldy, la comtesse de Sparre, etc. ; les autres jours, on causait en petit comité.

Un soir, on s’amusait à se donner les uns aux autres des sobriquets fantastiques. La maîtresse de la maison ayant été désignée pour trouver un nom à Alfred de Musset, l’appela le prince Phosphore de cœur volant. Celle qui l’avait ainsi baptisé lui permit de se dire son filleul et de la nommer sa marraine.

De cette gracieuse intimité et du crédit que la marraine prit sur l’esprit de son filleul, il résulta d’une part des avis judicieux, des encouragements, des con-