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C’était d’un ton bien différent que le poète avait parlé dans la Nuit de mai. Ces vers font suite à ceux de la Nuit de décembre. Ils s’adressent à la même personne ; jamais elle n’a dû en rougir. Le temps des méprises est passé. Rendons à chacun ce qui lui appartient. Je renoncerais à écrire la vie de mon frère s’il m’était interdit de jeter un peu de lumière sur les plus belles pages de ces poésies où je retrouve à chaque mot les plus purs battements de son cœur.

Celle qui avait inspiré l’épître à Lamartine n’eut pas besoin d’éclaircissements pour s’y reconnaître. Peu de temps après la publication, l’auteur trouva dans sa chambre, en rentrant chez lui, le soir, deux vases en porcelaine de Sèvres, accompagnés d’une lettre qui contenait le passage suivant : « Si vous saviez en quel état m’a mise la lecture de ces vers, vous regretteriez d’y avoir dit que votre cœur est pris d’un caprice de femme. C’est bien d’un amour vrai et non d’un caprice que nous avons souffert tous deux. Ne me faites jamais l’injure d’en douter. Apprenez que, dans ce moment même, si je ne pensais qu’à moi, je serais encore prête à essuyer les larmes qui obscurcissent ma vue, à tout quitter et à me perdre pour vous. Un mot de votre bouche suffirait. Je ne crains plus de vous le dire à présent. C’est parce que vous m’aimez que vous me laisserez pleurer. »

Ces lignes eurent le pouvoir d’opérer un grand changement dans l’esprit de l’amant sacrifié. Sous la