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dans les chroniques florentines le sujet d’un ouvrage dramatique en cinq actes, et qu’il prenait un grand plaisir à visiter les places publiques et les palais où il voulait mettre en scène les personnages de sa pièce. C’était le drame de Lorenzaccio.

De Bologne et de Ferrare, qu’il ne fit que traverser, en se rendant à Venise, il ne nous écrivit point. Arrivé dans la mourante cité des doges, il fut pris d’une joie d’enfant. La chambre qu’il occupait à l’hôtel Danieli, sur le quai des Esclavons, lui parut mériter l’honneur d’être décrite. Il ne se lassait pas, disait-il, de contempler ces lambris sous lesquels s’était promené jadis le chef de quelque grande famille vénitienne, et de regarder par la fenêtre l’entrée du Grand-Canal et le dôme de la Salute. Persuadé qu’il ne résisterait pas à l’envie de mettre un jour dans ce cadre les personnages d’un roman ou d’une comédie, il prenait des notes sur les usages vénitiens, sur les termes du dialecte, et il faisait jaser son gondolier.

Vers le milieu de février, ces lettres qui nous étaient jusqu’alors parvenues régulièrement, cessèrent tout à coup. Après un silence de six mortelles semaines, nous étions décidés à partir pour l’Italie, ma mère et moi, lorsque enfin on nous remit une lettre, dont l’écriture altérée, le ton de profonde tristesse et les nouvelles déplorables ne firent que donner un aliment certain à notre inquiétude. Le pauvre