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lui demandai où il l’avait vue, il me répondit : « Nulle part et partout ; ce n’est point une femme, c’est la femme. »

Après la publication des Caprices de Marianne, Alfred se trouvait un matin chez madame Tattet la mère. MM. Sainte-Beuve, Antony Deschamps, Ulric Guttinguer et plusieurs autres littérateurs assistaient à ce déjeuner. La maîtresse de la maison demandait à Alfred des nouvelles de sa mère et de sa sœur. « Je suppose qu’elles vont bien, répondit-il, mais je suis forcé d’avouer que je ne les ai pas vues depuis vingt-quatre heures. » On le plaisanta sur cette réponse et il se laissa gronder par ses amis sur sa manière de vivre, tout en affirmant, pour sa défense, qu’il avait en tête des idées très sérieuses. Quand le dessert fut servi, on lui demanda des vers et il récita la première partie d’un poème inédit. C’était Rolla, dont il n’avait encore parlé qu’à son frère. L’auditoire accueillit cette poésie avec des transports de joie, et l’auteur eut le bon goût de ne point revenir sur les remontrances amicales qu’on venait de lui faire. Il se croyait assez justifié.

Rolla parut dans la Revue des Deux-Mondes le 15 août 1833. Le lendemain, Alfred de Musset, au moment d’entrer à l’Opéra, jeta son cigare sur les marches du théâtre. Il vit un jeune homme qui le suivait, ramasser à la dérobée ce bout de cigare et l’envelopper soigneusement dans un morceau de pa-