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Toujours est-il que la séance fut glaciale. Le libraire en était consterné. M. Mérimée seul s’approcha de l’auteur et lui dit tout bas : « Vous avez fait d’énormes progrès ; la petite comédie surtout me plaît extrêmement. » L’ouvrage parut avant la fin de l’année, portant la date de 1833. Il ne produisit pas autant de bruit, à beaucoup près, que les Contes d’Espagne ; mais, par un hasard vraiment heureux, l’auteur, dès le lendemain de la mise en vente, avait entendu deux jeunes gens, qui marchaient devant lui sur le boulevard de Gand, répéter en riant ce vers du rôle d’Irus :


Spadille a l’air d’une oie, et Quinola d’un cuistre !


Et cette circonstance de rien avait suffi pour le rendre content. Les journaux semblaient éprouver quelque embarras à revenir sur leurs premiers jugements. Cependant M. Sainte-Beuve, qui n’avait point de réparation d’honneur à faire à l’auteur des Contes d’Espagne, attacha le grelot. Dans la Revue des Deux-Mondes du 15 janvier 1833, il publia un article où le nouveau volume de poésies était comparé à l’ancien, le progrès signalé, la lumière répandue sur les beautés des deux ouvrages, avec cette sûreté de coup d’œil, cette habileté à pénétrer au fond du sujet, à le fouiller en tous sens, à mettre les nuances les plus délicates en relief, qui font de la critique un art vraiment beau et utile, quand elle est appuyée de la