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déchue. Il semblait que la fermentation de toutes les cervelles eût tourné au profit des lettres. Pendant les quatre premières années du nouveau règne sortit de terre une génération d’écrivains qui n’a pas encore été remplacée. À l’automne de 1830, en possession d’une liberté qu’ils n’avaient jamais eue, les théâtres s’emparèrent d’un sujet interdit par le dernier gouvernement, celui de l’épopée impériale. Le personnage de Napoléon se montra sur toutes les scènes, même les plus infimes. Harel, homme entreprenant et directeur de l’Odéon, montait avec un grand luxe un drame sur ce sujet, dont le premier rôle était confié à Frédérick Lemaître. Le directeur, pour combler un vide dans son répertoire, vint demander une pièce, la plus neuve et la plus hardie possible, à l’auteur des Contes d’Espagne et d’Italie. Le manuscrit de la Nuit vénitienne lui fut bientôt remis et il en parut enchanté. La pièce, montée avec soin et apprise en peu de jours, était annoncée comme une trouvaille. M. Lockroy jouait le rôle du prince ; Vizentini, acteur excellent, faisait le personnage comique ; une actrice médiocre, mais fort jolie, jouait Laurette, et M. Lafosse, Razetta.

Ce fut le mercredi, 1er décembre 1830, que la première représentation eut lieu. Je ne sais de quelles gens la salle était remplie ; mais, dès la seconde scène, qui est pourtant fort gaie, Vizentini se vit interrompu par des sifflets. Des cris de forcenés cou-