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XXXV


Les Grecs, enfants gâtés des Filles de Mémoire,
De miel et d’ambroisie ont doré cette histoire ;
Mais j’en veux dire un point qui fut ignoré d’eux :
C’est que, lorsque Junon vit son beau sein d’ivoire
En un fleuve de lait changer ainsi les cieux,
Elle eut peur tout à coup du souverain des dieux.


XXXVI


Elle voulut poser ses mains sur sa poitrine ;
Et, sentant ruisseler sa mamelle divine,
Pour épargner l’Olympe, elle se détourna ;
Le soleil était loin, la terre était voisine ;
Sur notre pauvre argile une goutte en tomba ;
Tout ce que nous aimons nous est venu de là.


XXXVII


C’était un bel enfant que cette jeune mère ;
Un véritable enfant, — et la riche Angleterre
Plus d’une fois dans l’eau jettera son filet
Avant d’y retrouver une perle aussi chère ;
En vérité, lecteur, pour faire son portrait,
Je ne puis mieux trouver qu’une goutte de lait.


XXXVIII


Jamais le voile blanc de la mélancolie
Ne fut plus transparent sur un sang plus vermeil.