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III


Mes ailes, je l’ai dit, n’étaient pas encore bien robustes. Tandis que mon conducteur allait comme le vent, je m’essoufflais à ses côtés ; je tins bon pendant quelque temps, mais bientôt il me prit un éblouissement si violent, que je me sentis près de défaillir.

— Y en a-t-il encore pour longtemps ? demandai-je d’une voix faible.

— Non, me répondit-il, nous sommes au Bourget ; nous n’avons plus que soixante lieues à faire.

J’essayai de reprendre courage, ne voulant pas avoir l’air d’une poule mouillée, et je volai encore un quart d’heure ; mais, pour le coup, j’étais rendu.

— Monsieur, bégayai-je de nouveau, ne pourrait-on pas s’arrêter un instant ? J’ai une soif horrible qui me tourmente, et, en nous perchant sur un arbre…

— Va-t’en au diable ! tu n’es qu’un merle ! me répondit le ramier en colère.

Et, sans daigner tourner la tête, il continua son voyage enragé. Quant à moi, abasourdi et n’y voyant plus, je tombai dans un champ de blé.

J’ignore combien de temps dura mon évanouissement. Lorsque je repris connaissance, ce qui me revint