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V


Cent mille écus, comme dit le proverbe, ne se trouvent pas dans le pas d’un âne ; et si Croisilles eût été défiant, il eût pu croire, en lisant la lettre de mademoiselle Godeau, qu’elle était folle ou qu’elle se moquait de lui. Il ne pensa pourtant ni l’un ni l’autre ; il ne vit rien autre chose, sinon que sa chère Julie l’aimait, qu’il lui fallait cent mille écus, et il ne songea, dès ce moment, qu’à tâcher de se les procurer.

Il possédait deux cents louis comptant, plus une maison qui, comme je l’ai dit, pouvait valoir une trentaine de mille francs. Que faire ? Comment s’y prendre pour que ces trente-quatre mille francs en devinssent tout à coup trois cent mille ? La première idée qui vint à l’esprit du jeune homme fut de trouver une manière quelconque de jouer à croix ou pile toute sa fortune ; mais, pour cela, il fallait vendre la maison. Croisilles commença donc par coller sur sa porte un écriteau portant que sa maison était à vendre ; puis, tout en rêvant à ce qu’il ferait de l’argent qu’il pourrait en tirer, il attendit un acheteur.

Une semaine s’écoula, puis une autre ; pas un ache-