Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Allons chez la lingère, dit Armand ; mais les choux sont de mauvais augure.

Le troisième renseignement recueilli sur Javotte ne fut pas d’abord plus satisfaisant que les deux premiers. Moyennant une petite somme que sa famille avait trouvé moyen de fournir, elle était entrée, en effet, au couvent des sœurs du Bon-Pasteur, et y avait passé environ trois mois. Comme sa conduite était bonne, la protection de quelques personnes charitables l’avait fait admettre par les sœurs, qui lui montraient beaucoup de bonté et qui n’avaient qu’à se louer de son obéissance. — Malheureusement, disait la lingère, cette pauvre enfant a une tête si vive qu’il ne lui est pas possible de rester en place. C’était une grande faveur pour elle que d’avoir été reçue comme pensionnaire par les religieuses. Tout le monde disait du bien d’elle, et elle remplissait régulièrement ses devoirs de religion, en même temps qu’elle travaillait très bien, car c’est une bonne ouvrière. Mais tout d’un coup sa tête est partie ; elle a demandé à s’en aller. Vous comprenez, monsieur, que dans ce temps-ci un couvent n’est pas une prison ; on lui a ouvert les portes, et elle s’est envolée.

— Et vous ignorez ce qu’elle est devenue ?

— Pas tout à fait, répondit en riant la lingère. Il y a une de mes demoiselles qui l’a rencontrée au Ranelagh. Elle se fait appeler maintenant Amélina Rosenval. Je crois qu’elle demeure rue de Bréda, et qu’elle est figurante aux Folies-Dramatiques.