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cette sorte de querelle et de réconciliation soit demeurée tout à fait secrète. Quelques amis communs ont dû la connaître. Rappelle-toi, cherche dans tes souvenirs.

— Et à quoi bon ? quand même, en cherchant bien, je pourrais retrouver quelqu’un qui se souvînt de cette vieille histoire, ne veux-tu pas que j’aille me faire donner par le premier venu une espèce d’attestation comme quoi je ne suis pas un poltron ? Avec Saint-Aubin, je pouvais agir sans crainte ; tout se demande à un ami. Mais quel rôle jouerais-je, à l’heure qu’il est, en allant dire à un de nos camarades : Vous rappelez-vous une petite fille, un bal, une querelle de l’an passé ? On se moquerait de moi, et on aurait raison.

— C’est vrai ; et cependant il est triste de laisser une femme, et une femme orgueilleuse, vindicative et offensée, tenir impunément de méchants propos.

— Oui, cela est triste plus qu’on ne peut le dire. À une insulte faite par un homme on répond par un coup d’épée. Contre toute espèce d’injure, publique ou non,… même imprimée, on peut se défendre ; mais quelle ressource a-t-on contre une calomnie sourde, répétée dans l’ombre, à voix basse, par une femme malfaisante qui veut vous nuire ? C’est là le triomphe de la lâcheté. C’est là qu’une pareille créature, dans toute la perfidie du mensonge, dans toute la sécurité de l’impudence, vous assassine à coups d’épingle ; c’est là qu’elle ment avec tout l’orgueil, toute la joie de la faiblesse qui se venge ; c’est là qu’elle glisse à loisir,