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III


Il serait difficile de peindre l’espèce de consternation qui frappa Tristan et son frère en apprenant la mort de l’homme qu’ils avaient un si grand désir de retrouver. Ce n’est jamais, quoi qu’on en dise, une chose indifférente que la mort. On ne la brave pas sans courage, on ne la voit pas sans horreur, et il est même douteux qu’un gros héritage puisse rendre vraiment agréable sa hideuse figure, dans le moment où elle se présente. Mais quand elle nous enlève subitement quelque bien ou quelque espérance, quand elle se mêle de nos affaires et nous prend dans les mains ce que nous croyons tenir, c’est alors surtout qu’on sent sa puissance, et que l’homme reste muet devant le silence éternel.

Saint-Aubin avait été tué en Algérie, dans une razzia. Après s’être fait raconter, tant bien que mal, par les gens de l’hôtel, les détails de cet événement, les deux frères reprirent tristement le chemin de la maison qu’ils habitaient à Paris.

— Que faire maintenant ? dit Tristan ; je croyais n’avoir, pour sortir d’embarras, qu’un mot à dire à un honnête homme, et il n’est plus. Pauvre garçon ! je m’en