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— Tu n’es qu’un sot, un fou, un enfant, c’est clair, tu ne sais ce que tu dis. Tu es ruiné, voilà ton affaire. Mais, mon cher ami, tout cela ne suffit pas ; il faut réfléchir aux choses de ce monde. Si tu venais me demander… je ne sais quoi, un bon conseil, eh bien ! passe ; mais qu’est-ce que tu veux ? tu es amoureux de ma fille ?

— Oui, monsieur, et je vous répète que je suis bien éloigné de supposer que vous puissiez me la donner pour femme ; mais comme il n’y a que cela au monde qui pourrait m’empêcher de mourir, si vous croyez en Dieu, comme je n’en doute pas, vous comprendrez la raison qui m’amène.

— Que je croie en Dieu ou non, cela ne te regarde pas, je n’entends pas qu’on m’interroge ; réponds d’abord : Où as-tu vu ma fille ?

— Dans la boutique de mon père et dans cette maison, lorsque j’y ai apporté des bijoux pour mademoiselle Julie.

— Qui est-ce qui t’a dit qu’elle s’appelle Julie ? On ne s’y reconnaît plus, Dieu me pardonne ! Mais, qu’elle s’appelle Julie ou Javotte, sais-tu ce qu’il faut, avant tout, pour oser prétendre à la main de la fille d’un fermier général ?

— Non, je l’ignore absolument, à moins que ce ne soit d’être aussi riche qu’elle.

— Il faut autre chose, mon cher, il faut un nom.

— Eh bien ! je m’appelle Croisilles.