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gestes plus que ce qu’on appelle ordinairement la beauté ; l’autre, d’une apparence tout à fait vulgaire, les habits en désordre, le chapeau sur la tête, buvant du gros vin de cabaret, et faisant résonner sur le parquet les clous de ses souliers. C’était un étrange contraste.

Ces deux personnes étaient pourtant liées par une amitié bien vive et bien tendre. C’était Camille et l’oncle Giraud. Le digne homme était venu à Chardonneux lorsque madame des Arcis avait été portée d’abord à l’église, puis à sa dernière demeure. Sa mère étant morte et son père absent, la pauvre enfant se trouvait alors absolument seule en ce monde. Le chevalier, ayant une fois quitté sa maison, distrait par son voyage, appelé par ses affaires et obligé de parcourir plusieurs villes de la Hollande, n’avait appris que fort tard la mort de sa femme ; en sorte qu’il se passa près d’un mois, pendant lequel Camille resta, pour ainsi dire, orpheline. Il y avait bien, il est vrai, à la maison une sorte de gouvernante qui avait charge de veiller sur la jeune fille ; mais la mère, de son vivant, ne souffrait point de partage. Cet emploi était une sinécure ; la gouvernante connaissait à peine Camille, et ne pouvait lui être d’aucun secours dans une pareille circonstance.

La douleur de la jeune fille à la mort de sa mère avait été si violente, qu’on avait craint longtemps pour ses jours. Lorsque le corps de madame des Arcis avait été retiré de l’eau et apporté à la maison, Camille accom-