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pas. Dans sa chambre était un prie-Dieu où elle resta à genoux jusqu’au soir. Sa femme de chambre entra plusieurs fois, ayant reçu du chevalier l’ordre secret de veiller sur elle ; elle ne répondit pas à ce qu’on lui disait. Vers huit heures du soir elle sonna, demanda la robe commandée à l’avance pour sa fille, et qu’on mît le cheval à la voiture. Elle fit avertir en même temps le chevalier qu’elle allait au bal, et qu’elle souhaitait qu’il l’y accompagnât.

Camille avait la taille d’un enfant, mais la plus svelte et la plus légère. Sur ce corps bien-aimé, dont les contours commençaient à se dessiner, la mère posa une petite parure simple et fraîche. Une robe de mousseline blanche brodée, des petits souliers de satin blanc, un collier de graines d’Amérique sur le cou, une couronne de bluets sur la tête, tels furent les atours de Camille, qui se mirait avec orgueil et sautait de joie. La mère, vêtue d’une robe de velours, comme quelqu’un qui ne veut pas danser, tenait son enfant devant une psyché, et l’embrassait coup sur coup, en répétant : Tu es belle, tu es belle ! lorsque le chevalier monta. Madame des Arcis, sans aucune émotion apparente, demanda à son domestique si on avait attelé, et à son mari s’il venait. Le chevalier donna la main à sa femme, et l’on alla au bal.

C’était la première fois qu’on voyait Camille. On avait beaucoup entendu parler d’elle. La curiosité dirigea tous les regards vers la petite fille dès qu’elle parut.