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prise depuis la naissance de Camille, celle de ne plus voir le monde. La seule pensée d’exposer son malheur aux yeux des indifférents ou des malveillants mettait le chevalier presque hors de lui. Il avait annoncé formellement sa volonté sur ce sujet. Il fallait donc que madame des Arcis trouvât un biais, un prétexte quelconque, non seulement pour exécuter son dessein, mais pour en parler.

Pendant ce temps-là, le chevalier paraissait réfléchir beaucoup de son côté. Il fut le premier à rompre le silence. Une affaire survenue à un de ses parents, dit-il à sa femme, venait d’occasionner de grands dérangements de fortune dans sa famille ; il était important pour lui de surveiller les gens chargés des mesures à prendre ; ses intérêts, et par conséquent ceux de madame des Arcis elle-même, couraient le risque d’être compromis faute de soin. Bref, il annonça qu’il était obligé de faire un court voyage en Hollande, où il devait s’entendre avec son banquier ; il ajouta que l’affaire était extrêmement pressée, et qu’il comptait partir dès le lendemain matin.

Il n’était que trop facile à madame des Arcis de comprendre le motif de ce voyage. Le chevalier était bien éloigné de songer à abandonner sa femme ; mais, en dépit de lui-même, il éprouvait un besoin irrésistible de s’isoler tout à fait pendant quelque temps, ne fût-ce que pour revenir plus tranquille. Toute vraie douleur donne, la plupart du temps, ce besoin de soli-