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vait se résoudre à gâter ce mouvement de joie naïve. Cependant l’idée que madame de Parnes lui redemanderait sans doute son dessin le chagrinait visiblement ; madame Delaunay, qui s’en aperçut, crut avoir commis une indiscrétion ; elle s’arrêta embarrassée, tenant son cadre et ne sachant qu’en faire. Valentin, qui, de son côté, sentait qu’il avait fait une sottise en montrant ce portrait qu’il ne voulait pas donner, cherchait en vain à sortir d’embarras. Après quelques instants de gêne et d’hésitation, le cadre et le papier restèrent sur la table, à côté du Napoléon détrôné, et madame Delaunay reprit son ouvrage.

— Je voudrais, dit enfin Valentin, qu’avant de vous laisser cette petite ébauche, il me fût permis d’en faire une copie.

— Je crois que je ne suis qu’une étourdie, répondit la veuve. Gardez ce dessin qui vous appartient, si vous y attachez quelque prix. Je ne suppose pourtant pas que votre intention soit de le mettre dans votre chambre, ni de le montrer à vos amis.

— Certainement non ; mais c’est pour moi que je l’ai fait, et je ne voudrais pas le perdre entièrement.

— À quoi pourra-t-il vous servir, puisque vous m’assurez que vous ne le montrerez pas ?

— Il me servira à vous voir, madame, et à parler quelquefois à votre image de ce que je n’ose vous dire à vous-même.

Quoique cette phrase, à la rigueur, ne fût qu’une