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insolente et rébarbative, était debout devant la marquise, et lui présentait une tasse de chocolat brûlant, qu’elle se mit à avaler à petites gorgées. La présence de ce tiers, l’extrême attention que mettait la dame à ne pas se brûler les lèvres, le peu de souci qu’en revanche elle prenait du visiteur, n’étaient pas faits pour encourager. Valentin tira gravement l’esquisse qu’il avait dans sa poche, et, fixant ses yeux sur madame de Parnes, il examina alternativement l’original et la copie. Elle lui demanda ce qu’il faisait. Il se leva, lui donna son dessin, puis se rassit sans en dire davantage. Au premier coup d’œil, la marquise fronça le sourcil, comme lorsqu’on cherche une ressemblance, puis elle se pencha de côté, comme on fait lorsqu’on l’a trouvée. Elle avala le reste de sa tasse ; le laquais s’en fut, et les belles dents reparurent avec le sourire.

— C’est mieux que moi, dit-elle enfin ; vous avez fait cela de mémoire ? Comment vous y êtes-vous pris ?

Valentin répondit qu’un si beau visage n’avait pas besoin de poser pour qu’on pût le copier, et qu’il l’avait trouvé dans son cœur. La marquise fit un léger salut, et Valentin approcha son tabouret.

Tout en causant de choses indifférentes, madame de Parnes regardait le dessin.

— Je trouve, dit-elle, qu’il y a dans ce portrait une physionomie qui n’est pas la mienne. On dirait que cela ressemble à quelqu’un qui me ressemble, mais que ce n’est pas moi qu’on a voulu faire.