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de la présence d’un jeune homme dans une famille que personne n’aborde, serait quelquefois bien plus étonné d’apprendre sur quel frivole prétexte il y est entré.

Vous vous étonnerez peut-être, madame, de la manière dont se prit le cœur de Valentin. Ce fut, pour ainsi dire, l’ouvrage du hasard. Il avait, durant un hiver, vécu, selon sa coutume, assez follement, mais assez gaiement. L’été venu, comme la cigale, il se trouva au dépourvu. Les uns partaient pour la campagne, les autres allaient en Angleterre ou aux eaux : il y a de ces années de désertion où tout ce qu’on a d’amis disparaît ; une bouffée de vent les emporte, et on reste seul tout à coup. Si Valentin eût été plus sage, il aurait fait comme les autres, et serait parti de son côté ; mais les plaisirs avaient été chers, et sa bourse vide le retenait à Paris. Regrettant son imprévoyance, aussi triste qu’on peut l’être à vingt-cinq ans, il songeait à passer l’été, et à faire, non de nécessité vertu, mais de nécessité plaisir, s’il se pouvait. Sorti un matin par une de ces belles journées où tout ce qui est jeune sort sans savoir pourquoi, il ne trouva, en y réfléchissant, que deux endroits où il pût aller, chez madame de Parnes ou chez madame Delaunay. Il fut chez toutes deux le jour même, et, ayant agi en gourmand, il se trouva désœuvré le lendemain. Ne pouvant recommencer ses visites avant quelques jours, il se demanda quel jour il le pourrait ; après quoi, involontairement, il repassa dans sa tête ce