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VIII


Par une de ces belles matinées d’automne où le soleil brille de tout son éclat et semble dire adieu à la verdure mourante, Gilbert était accoudé à une petite fenêtre au second étage, dans une rue écartée derrière les Champs-Élysées. Tout en fredonnant un air de la Norma, il regardait attentivement chaque voiture qui passait sur la chaussée. Quand la voiture arrivait au coin de la rue, la chanson s’arrêtait ; mais la voiture continuait sa route, et il fallait en attendre une autre. Il en passa beaucoup ce jour-là, mais le jeune homme inquiet ne vit dans aucune un petit chapeau de paille d’Italie et une mantille noire. Une heure sonna, puis deux ; il était trop tard ; après avoir regardé vingt fois à sa montre, avoir fait autant de tours de chambre, et s’être désolé et rassuré plus souvent encore alternativement, Gilbert descendit enfin, et erra quelque temps dans les allées. En rentrant chez lui, il demanda à son portier s’il n’y avait point de lettres, et la réponse fut négative. Un pressentiment de sinistre augure l’agita toute la journée. Vers dix heures du soir il montait, non sans crainte, le grand escalier de l’hôtel de Marsan ; la lampe n’était pas allu-