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qu’on en parle. Ce jour arrivé, vous sentez que je ne serais rangé ni dans la catégorie des maris complaisants, ni même dans celle des maris ridicules, mais qu’on ne verrait en moi qu’un misérable à qui l’argent fait tout supporter. Il n’entre pas dans mon caractère de faire un éclat qui déshonore à la fois deux familles, quel qu’en soit le résultat ; je n’ai de haine ni contre vous ni contre personne ; c’est pour cette raison même que je viens vous annoncer la résolution que j’ai prise, afin de prévenir les suites de l’étonnement qu’elle pourra causer. Je demeurerai, à partir de la semaine prochaine, dans l’hôtel garni que j’habitais quand j’ai fait la connaissance de votre mère. Je suis fâché de rester à Paris, mais je n’ai pas de quoi voyager ; il faut que je me loge, et cette maison-là me plaît. Voyez ce que vous voulez faire, et si c’est possible, j’agirai en conséquence.

Madame de Marsan avait écouté son mari avec un étonnement toujours croissant. Elle resta comme une statue ; elle vit qu’il était décidé, et elle n’y pouvait croire ; elle se jeta à son cou presque involontairement ; elle s’écria que rien au monde ne la ferait consentir à cette séparation. À tout ce qu’elle disait il n’opposait que le silence. Emmeline éclata en sanglots ; elle se mit à genoux et voulut confesser sa faute ; il l’arrêta, et refusa de l’entendre. Il s’efforça de l’apaiser, lui répéta qu’il n’avait contre elle aucun ressentiment ; puis il sortit malgré ses prières.