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rience du monde. Si ce n’était pour lui qu’une fantaisie, une difficulté à vaincre ? Trop étonnée, trop émue, bouleversée par tous les sentiments qui me subjuguaient, je n’avais pas assez étudié les siens. J’avais peur, je respirais court. Eh bien ! me dis-je bravement, le jour où il me connaîtra, il aura un arriéré à payer. Tout ce sombre fut éclairé tout à coup par de doux soupirs. Je sentais un sourire errer autour de ma bouche ; comme la veille, je revis toute sa figure, belle d’une expression que je n’ai vue nulle part, même dans les chefs-d’œuvre des grands maîtres : j’y lisais l’amour, le respect, le culte, et ce doute, cette crainte de ne pas obtenir, tant on désire vivement. Voilà pour la femme l’instant suprême, et, ainsi bercée, je m’habillai. On a grand plaisir à la toilette quand on attend son amant. »