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trois jours à la campagne. Il la conjurait de lui accorder un rendez-vous avant de partir. — Je le ferai si vous voulez, lui répondit-elle, mais je vous supplie de me laisser attendre.

Le quatrième jour, un jeune homme entra vers minuit au Café Anglais. — Que veut monsieur ? demande le garçon. — Tout ce que vous avez de meilleur, répondit le jeune homme avec un air de joie qui fit retourner tout le monde. — À la même heure, au fond de l’hôtel de Marsan, une persienne entr’ouverte laissait apercevoir une lueur derrière un rideau. Seule, en déshabillé de nuit, madame de Marsan était assise sur une petite chaise, dans sa chambre, les verrous tirés derrière elle. — Demain je serai à lui. Sera-t-il à moi ?

Emmeline ne pensait pas à comparer sa conduite à celle des autres femmes. Il n’y avait pour elle, en cet instant, ni douleurs ni remords ; tout faisait silence devant l’idée du lendemain. Oserai-je vous dire à quoi elle pensait ? Oserai-je écrire ce qui, à cette heure redoutable, inquiétait une belle et noble femme, la plus sensible et la plus honnête que je connaisse, à la veille de la seule faute qu’elle ait jamais eu à se reprocher ?

Elle pensait à sa beauté. Amour, dévouement, sincérité du cœur, constance, sympathie de goût, crainte, dangers, repentir, tout était chassé, tout était détruit par la plus vive inquiétude sur ses charmes, sur sa beauté corporelle. La lueur que nous apercevons, c’est