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tures, et essayer des frictions. Tâche, en même temps, de trouver de la cendre que nous puissions faire chauffer ; mais tout cela ne servira à rien qu’à perdre mon temps, ajouta-t-il en haussant les épaules et en frappant du pied ; allons ! entends-tu ce que je te dis ?

— Oui, monsieur, dit Pierrot, et pour aller plus vite, si monsieur veut, je vais prendre le cheval de monsieur.

Et sans attendre la permission du docteur, il sauta sur le cheval et disparut. Un quart d’heure après, il revint au galop avec deux gros sacs pleins de cendre, l’un devant, l’autre derrière lui. — Monsieur voit que je n’ai pas perdu de temps, dit-il en montrant le cheval qui n’en pouvait plus ; je ne me suis pas amusé à causer, je n’ai dit un mot à personne ; votre gouvernante était sortie, et j’ai tout arrangé moi-même.

— Que le diable t’emporte ! pensa le docteur, voilà mon cheval en bon état pour la journée ! et, tout en murmurant tout bas, il commença à souffler, au moyen d’une vessie, dans la bouche de la pauvre Margot, pendant que Pierrot lui frottait les bras. Le feu s’alluma ; quand la cendre fut chaude, ils la répandirent sur le lit de telle sorte que le corps y était entièrement enseveli. Le médecin versa alors quelques gouttes de liqueur sur les lèvres de Margot, puis il secoua la tête et tira sa montre. — J’en suis désolé, dit-il d’un ton pénétré, mais il ne faut pas que les morts fassent tort aux malades ; on m’attend fort loin, et je m’en vais.