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sein, qui était de s’éloigner et de se résigner. Bientôt même elle ne le jugea plus si indispensable qu’il lui avait semblé la veille ; elle se demanda quel mal elle avait fait pour mériter d’être bannie des lieux où elle avait passé ses plus heureux jours. Elle s’imagina qu’elle pouvait y rester, non sans souffrir, mais en souffrant moins que si elle partait. Elle s’enfonça dans les sombres allées, tantôt marchant à pas lents, tantôt de toutes ses forces ; puis elle s’arrêtait et disait : Aimer, c’est une grande affaire ; il faut avoir du courage pour aimer. Ce mot d’aimer, et la certitude que personne au monde ne se doutait de sa passion, la faisaient espérer malgré elle, quoi ? elle l’ignorait, et par cela même espérait plus facilement. Son secret chéri lui semblait un trésor caché dans son cœur ; elle ne pouvait se résoudre à l’en arracher ; elle se jurait de l’y conserver toujours, de le protéger contre tous, dût-il y rester enseveli. En dépit de la raison, l’illusion reprenait le dessus, et, comme elle avait aimé en enfant, après s’être désolée en enfant, elle se consolait de même. Elle pensa aux cheveux blonds de Gaston, aux fenêtres de la rue du Perche ; elle essaya de se persuader que le mariage n’était pas conclu, et qu’elle avait pu se tromper à ce qu’avait dit sa marraine. Elle se coucha au pied d’un arbre, et, brisée d’émotion et de fatigue, elle ne tarda pas à s’endormir.

Il était midi lorsqu’elle s’éveilla. Elle regarda autour d’elle, se souvenant à peine de ses chagrins. Un léger