mais Margot rougissait de plaisir. Presque tous les matins elle faisait, avant le déjeuner, une visite à sa bonne amie ; elle l’aidait à sa toilette, la regardait laver ses belles mains blanches, l’écoutait chanter dans son doux langage italien. Puis elle descendait au salon avec elle, fière d’avoir retenu quelque ariette, qu’elle fredonnait dans l’escalier. Au milieu de tout cela, elle était dévorée de chagrin, et, dès qu’elle était seule, elle pleurait.
Madame Doradour avait l’esprit trop léger pour s’apercevoir de quelque changement dans sa filleule. — Il me semble que tu es pâle, lui disait-elle quelquefois ; est-ce que tu n’as pas bien dormi ? Puis, sans attendre de réponse, elle s’occupait d’autre chose. Gaston était plus clairvoyant, et, quand il se donnait la peine d’y penser, il ne se méprenait pas sur la tristesse de Margot, mais il se disait que ce n’était sûrement qu’un caprice d’enfant, un peu de jalousie naturelle aux femmes, et qui passerait avec le temps. Il faut observer que Margot avait toujours évité toute occasion de se trouver seule avec lui. La pensée d’un tête-à-tête la faisait frémir, et, du plus loin qu’elle le voyait, lorsqu’elle se promenait seule, elle se détournait, en sorte que les précautions qu’elle prenait pour cacher son amour paraissaient au jeune homme l’effet d’un caractère sauvage. — Singulière petite fille ! s’était-il dit souvent en la voyant s’enfuir dès qu’il faisait mine de l’approcher ; et, pour se divertir de son trouble, il l’avait quelquefois abordée malgré elle. Margot baissait alors la tête, ne