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de sa chambre, elle entendit le son d’un piano ; c’était la première fois de sa vie que de pareils accords frappaient ses oreilles ; elle ne connaissait, en fait de musique, que les contredanses de son village. Elle s’arrêta pleine d’admiration. Mademoiselle de Vercelles jouait une valse ; elle s’interrompit pour chanter, et Margot s’approcha doucement de la porte, afin d’écouter les paroles. Les paroles étaient italiennes. La douceur de cette langue inconnue parut encore plus extraordinaire à Margot que l’harmonie de l’instrument. Qu’était-ce donc que cette belle demoiselle qui prononçait ainsi des mots mystérieux au milieu d’une si étrange mélodie ? Margot, vaincue par la curiosité, se baissa, essuya ses yeux, où roulaient encore quelques larmes, et regarda par le trou de la serrure. Elle vit mademoiselle de Vercelles en déshabillé, les bras nus, les cheveux en désordre, les lèvres entr’ouvertes et les yeux au ciel. Elle crut voir un ange ; jamais rien de si charmant ne s’était offert à ses regards. Elle s’éloigna à pas lents, éblouie et en même temps consternée, sans pouvoir distinguer ce qui se passait en elle. Mais, tandis qu’elle descendait l’escalier, elle répéta plusieurs fois d’une voix émue : Sainte Vierge ! la belle beauté !