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qui était mort ; tout cela se mêlait dans sa tête. Enfin, ne pouvant plus supporter sa tristesse, il avait pris le parti de venir à la Honville et de s’offrir à Gaston comme domestique ou comme palefrenier. Cette détermination lui avait coûté huit jours de réflexions, et, comme on vient de le voir, elle n’avait pas eu grand succès. Aussi parlait-il de mourir plutôt que de retourner à la ferme. — Puisque monsieur ne veut pas de moi, dit-il en terminant son récit, et puisque je ne peux pas être auprès de lui comme vous êtes auprès de madame Doradour, je me laisserai mourir de faim. Je n’ai pas besoin de dire que ces derniers mots furent accompagnés d’un nouveau déluge de larmes.

Margot le consola de son mieux, et, le prenant par la main, l’emmena à la maison. Là, en attendant qu’il fût temps pour lui de mourir de faim, elle le fit entrer dans l’office et lui donna un morceau de pain avec du jambon et des fruits. Pierrot, inondé de larmes, mangea de bon appétit en regardant Margot de tous ses yeux. Elle lui fit comprendre aisément que, pour entrer au service de quelqu’un, il faut attendre qu’il y ait une place vacante, et elle lui promit qu’à la première occasion elle se chargerait de sa demande. Elle le remercia de son amitié, l’assura qu’elle l’aimait de même, essuya ses larmes, l’embrassa sur le front avec un petit air maternel, et le décida enfin à s’en retourner. Pierrot, convaincu, fourra dans ses poches ce qui restait de son déjeuner ; Margot lui donna en outre