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— Pour être domestique de monsieur.

— Mais je n’ai pas besoin de domestique ; qui t’a dit que j’en cherchais un ?

— Personne, monsieur.

— Que viens-tu donc faire alors ?

— Je viens demander à monsieur d’être son domestique.

— Est-ce que tu es fou, ou te moques-tu de moi ?

— Non, monsieur.

— Tiens, laisse-moi en repos.

Gaston lui jeta encore quelque monnaie, et, détournant son cheval, il continua sa route. Pierrot s’assit sur le bord de l’avenue, et Margot, venant à y passer quelque temps après, l’y trouva pleurant à chaudes larmes. Elle accourut à lui aussitôt.

— Qu’as-tu, mon pauvre Pierrot ? que t’est-il arrivé ?

Pierrot refusa d’abord de répondre. — Je voulais être domestique de monsieur, dit-il enfin en sanglotant, et monsieur ne veut pas.

Ce ne fut pas sans peine que Margot parvint à le faire s’expliquer. Elle comprit enfin de quoi il s’agissait. Depuis qu’elle avait quitté la ferme, Pierrot s’ennuyait de ne plus la voir. Moitié honteux et moitié pleurant, il lui raconta ses chagrins, et elle ne put s’empêcher d’en rire et d’en avoir en même temps pitié. Le pauvre garçon, pour exprimer ses regrets, parlait à la fois de son amitié pour Margot, de ses sabots qui étaient usés, de sa triste solitude dans les champs, d’un de ses dindons