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douces soirées d’août il se promenait sur le boulevard Italien. Elle aime son mari sans doute, mais ce n’est que de l’amitié ; l’amour est passé ; vivra-t-elle sans amour ? Tout en y pensant, il fit réflexion que depuis six mois il vivait sans maîtresse.

Un jour qu’il était en visites, il passa devant la porte de l’hôtel de Marsan, et y frappa, contre sa coutume, attendu qu’il n’était que trois heures : il espérait trouver la comtesse seule, et il s’étonnait que l’idée de cet heureux hasard lui vînt pour la première fois. On lui répondit qu’elle était sortie. Il reprit le chemin de son logis de mauvaise humeur, et, comme c’était son habitude, il parlait seul entre ses dents. Je n’ai que faire de vous dire à quoi il songeait. Ses distractions l’entraînèrent peu à peu, et il s’écarta de sa route. Ce fut, je crois, au coin du carrefour Buci qu’il heurta assez rudement un passant, et d’une manière au moins bizarre ; car il se trouva tout à coup face à face avec un visage inconnu, à qui il venait de dire tout haut : Si je vous le disais, pourtant, que je vous aime ?

Il s’esquivait honteux de sa folie, dont il ne pouvait s’empêcher de rire, lorsqu’il s’aperçut que son apostrophe ridicule faisait un vers assez bien tourné. Il en avait fait quelques-uns du temps qu’il était au collège ; il lui prit fantaisie de chercher la rime, et il la trouva comme vous allez voir.

Le lendemain était un samedi, jour de réception de la comtesse. M. de Marsan commençait à se relâcher