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Le curé lui-même parut en ce moment, s’approcha du bonhomme et lui remit une lettre de la part de madame Doradour. Le bonhomme ouvrit la lettre avec respect ; mais il n’en eut pas plus tôt lu les premières lignes, qu’il fut obligé de s’asseoir sur un banc, tant il était ému et surpris. — Me demander ma fille ! s’écria-t-il, ma fille unique, ma pauvre Margot !

À ces mots, madame Piédeleu épouvantée accourut ; les garçons, qui revenaient des champs, s’assemblèrent autour de leur père ; Margot seule resta à l’écart, n’osant bouger ni respirer. Après les premières exclamations, toute la famille garda un morne silence.

Le curé commença alors à parler et à énumérer tous les avantages que Margot trouverait à accepter la proposition de sa marraine. Madame Doradour avait rendu de grands services aux Piédeleu, elle était leur bienfaitrice ; elle avait besoin de quelqu’un qui lui rendît la vie agréable, qui prît soin d’elle et de sa maison ; elle s’adressait avec confiance à ses fermiers ; elle ne manquerait pas de bien traiter sa filleule et d’assurer son avenir. Le bonhomme écouta le curé sans mot dire, puis il demanda quelques jours pour réfléchir avant de prendre une détermination.

Ce ne fut qu’au bout d’une semaine, après bien des hésitations et bien des larmes, qu’il fut résolu que Margot se mettrait en route pour Paris. La mère était inconsolable ; elle disait qu’il était honteux de faire de sa fille une servante, lorsqu’elle n’avait qu’à choisir