— On ne fait jamais bien deux choses à la fois, ajoutait Pippo. Tu ne conseillerais pas à un commerçant de faire des vers en même temps que ses calculs, ni à un poète d’auner de la toile pendant qu’il chercherait ses rimes. Pourquoi donc veux-tu me faire peindre pendant que je suis amoureux ?
Béatrice ne savait trop que répondre, car elle n’osait dire que l’amour n’est pas une occupation.
— Veux-tu donc mourir comme Raphaël ? demandait-elle ; et si tu le veux, que ne commences-tu par faire comme lui ?
— C’est, au contraire, répondait Pippo, de peur de mourir comme Raphaël que je ne veux pas faire comme lui. Ou Raphaël a eu tort de devenir amoureux étant peintre, ou il a eu tort de se mettre à peindre étant amoureux. C’est pourquoi il est mort à trente-sept ans, d’une manière glorieuse, il est vrai ; mais il n’y a pas de bonne manière de mourir. S’il eût fait seulement cinquante chefs-d’œuvre de moins, c’eût été un malheur pour le pape, qui aurait été obligé de faire décorer ses chapelles par un autre ; mais la Fornarine en aurait eu cinquante baisers de plus, et Raphaël aurait évité l’odeur des couleurs à l’huile, qui est si nuisible à la santé.
— Feras-tu donc de moi une Fornarine ? s’écriait alors Béatrice ; si tu ne prends soin ni de ta gloire ni de ta vie, veux-tu me charger de t’ensevelir ?
— Non, en vérité, répondait Pippo, en portant son